Maître Zheng Xudong


Maître Zheng Xudong (郑旭东 ; Zhèng XùDōng), est né en 1951 à Wenxian, dans la province du Henan en Chine.

Il est reconnu maître officiel de la 18ème génération (où 10ème génération selon la nomenclature1) du Taiji Quan (Tai Chi Chuan) style Chen, en tant que disciple de Wang Yan, lui même disciple de Chen Yanxi.

Il a formé les enseignants de l’école de Taiji Quan ChanSi, dont il est le président d’honneur.

Biographie


Apprentissage du Taiji Quan

Shifu Portrait

Maître Zheng Xudong 郑旭东 ©Jamel Boukelmoune

Zheng Xudong débute la pratique du Taiji Quan dès 1966 à Chenjiagou (陈家沟 ; Chén Jiā Gōu : Lieu de naissance du Taiji Quan – Conté de Wenxian, Henan). Alors âgé de 15 ans, il fait la rencontre de Zhu Tiancai (朱天才 ; Zhū TiānCái : 1945 – 19ème gèn.) qui l’introduira à la pratique et le prendra un temps comme élève. Étant, dans le village, très apprécié pour son caractère, sa générosité et sa grande volonté, Zheng Xu Dong a la chance de pouvoir côtoyer de nombreux vieux maîtres2, ayants hérités des plus anciennes méthodes de pratique de la famille Chen. L’un des plus important dans sa progression est Wang Yan, que l’on disait être l’un des quatre gardiens (四大金刚 ; Sìdàjīngāng3) de Chenjiagou. Ainsi, Maître Zheng n’aura pas souffert de la génération manquante, qui a suscité une politique de ré-intégration du Taiji Quan à Chenjiagou4 non sans quelques confusions et transformations.

Wang Yan (王雁 ; Wáng Yàn : 1900-1980 – 17ème gén.) qui est surnommé « le roi des frappes de l’épaule » (神靠铁捋王 ; Shén kào tiě lǚ wáng), est son principal guide à la fois sur les aspects internes comme sur l’aspect martial de la pratique. Wang Yan est le disciple de Chen Yanxi (陈延熙 ; Chén YánXī : 1827-1908 – 16ème gèn.), il reçu aussi l’enseignement de Chen Zhaoxu (陈照旭 ; Chénzhàoxù : 1912-1959, 18ème gèn. et père de Chen Xiaowang), et il est le co-disciple et ami de Chen Fake (陈发科 ; Chén FāKē : 1887-1957 – 17ème gèn.). En l’absence des premiers héritiers de la famille Chen au village, Wang Yan prend des disciples en 1950. Mais dès leur retour en 1958, il laisse la place aux héritiers, et ce n’est que discrètement qu’il enseigne à ses élèves dont Zheng fait partie.

L’enseignement que Zheng reçoit porte sur la vielle forme (老架 : lǎojià), incluant la première forme (老架一路 ; lǎojiàyīlù), la deuxième forme (老架二路 ; lǎojiàèrlù) ou encore appelée « poings canons » (炮捶 ; pàochuí), l’étude des Tuishou (推手 ; tuīshǒu), et l’étude des armes comme la hallebarde (大刀 ; dàdāo), l’épée simple (单剑 ; dānjiàn), le bâton (棍 ; gùn), la lance (枪 : qiāng) et bien d’autres. Diplômé de Médecine Traditionnelle Chinoise et médecin militaire de carrière, Maître Zheng aborde son propre apprentissage à la manière d’une posologie médicale, respectant ainsi les processus d’intégration physiologiques, et le gratifiant d’une progression efficace.

Il côtoie également à cette même époque le groupe très fermé des héritiers de la famille, entre autres le quatuor local qui sont les nouveaux « quatre gardiens » du Taiji Quan. Il assiste alors à l’enseignement par Chen Zhaokui de la nouvelle forme (新架 ; Xīnjià). Ayant compris les principes internes de cette pratique, c’est avec son point de vue médical sur l’énergie qu’il préfère abandonner cette méthode au profit de la vielle forme.

Il est très vite reconnu pour ayant parfaitement accompli les habilités internes les plus complexes du Taiji Quan, et a la réputation d’être un redoutable combattant à Chenjiagou et plus tard à Luoyang.

Tradition orale ; l’histoire d’un art éprouvé

SiDaJingGang

Chenjiagou, Chen BaoQu et Chen ShengSan, tuishou

Maître Zheng a compris l’importance de la tradition orale et a toujours porté beaucoup d’attention aux vielles histoires racontées par les anciens du village, retraçant avec enthousiasme toutes les anecdotes de la famille, certaines remontant de plusieurs générations, et démontrant avec incarnation tous les proverbes populaires issus de la longue histoire du village tournée autour du clan des Chen. Les langues se délient d’autant plus facilement que rares sont les oreilles attentives pour ceux qui sont souvent considérés comme des vieillards radotants. Grâce à cette transmission et en complément des lectures des documents officiels de la famille Chen, Maître Zheng développe une vision extraordinairement complète, pertinente et vivante de l’histoire du Taiji Quan, étant capable de retracer l’histoire de chaque mouvement, l’origine de chaque technique, la compréhension des contextes d’utilisation et des aptitudes morphologiques, de comprendre la portée spirituelle des anciens textes alliée à la sagesse du bon sens paysan.

Nei gong ; Prophylaxie et médecine

La santé de Zheng Xudong est alors amoindrie par une quinzaine d’années de contexte social très difficile et par la grande pauvreté et austérité qui règnent alors dans conté de Wenxian. Il souhaite se consacrer totalement à la pratique du Taiji Quan et abandonne sa carrière de médecin. Mais car il lui est impossible d’enseigner officiellement dans le fief de la famille Chen, et car sa réputation de médecin l’amène continuellement des sollicitations jusqu’à chez lui, l’empêchant de pratiquer, il quitte le conté de Wenxian en 1989 pour s’installer à Luoyang5, l’une des plus grandes villes de la province du Henan. C’est là qu’il commence à former des disciples.

Après quelques années consacrées à la recherche et à parfaire sa pratique énergétique, il reprend progressivement des patients, souvent des cas désespérés qui ne savent plus à quelle porte frapper. Conciliant le Taiji Quan et la médecine, il emploie son énergie interne acquise grâce à la pratique, selon les principes de traitement de la M.T.C. pour soigner ses patients (la pharmacopée est parfois utilisée en complément pour les cas les plus lourds). Il a depuis lors traité de nombreux cas ; leucémie aiguë ; cancer des os ; hépatite B ; hépatite C ; cirrhose… ; pour lesquels il est parvenu à une rémission majeure.

L’un de ses actuels disciples était condamné selon la médecine classique à moins d’un an de vie des causes d’un ulcère de l’estomac en phase terminale. Ce futur disciple partit de son pays natal, le Japon, suivant les conseils de son professeur de karaté de l’époque, dans l’espoir de trouver en Chine un maître de Tai Chi Chuan capable de le soigner. Par le fruit du hasard il rencontra le Maître et ce fût chose faite : Après 2 ans de pratique intensive sous le regard attentif de maître Zheng, il retourna au japon pour faire de nouvelles analyses médicales. Celle-ci annonçait une rémission improbable de l’ulcère, pour le plus grand étonnement des médecins. Maître Zheng aime raconter avec affection qu’il est aujourd’hui marié, qu’il travaille et a une vie normale et heureuse.

Nouvel essor

Tai Chi Chuan Maître Zheng Xu Dong Hallebarde

Tai Chi Chuan Maître Zheng Xu Dong Hallebarde. Canton 2009

C’est à partir de 2001 que sa réputation se déplace à l’étranger et notamment jusqu’en France. A l’heure de l’ouverture de la Chine au monde, les étudiants chinois sont de plus en plus nombreux à sortir du pays. Et c’est à Lyon, que Pierre BERAUD ayant fondé depuis peu une association d’arts traditionnels chinois, rencontre un étudiant originaire de Luoyang et pratiquant d’arts-martiaux qui lui ventera les mérites de ce Maître exceptionnel. Maître Zheng voit alors venir à lui un étranger ayant parcourut la moitié du globe avec son petit dictionnaire (circuler à travers la Chine sans parler chinois à cette période relève de la témérité), dans le but de s’approcher de la source de cet art martial, et d’y découvrir une authenticité et des compétences qui font alors défaut dans le paysage occidental. Il deviendra par la suite l’un de ses disciples. Cette rencontre est le début d’une longue collaboration et la mise en place de nombreux échanges culturels franco-chinois. De nombreux enseignants en France sont aujourd’hui les héritiers directs où indirects de cette collaboration, participants ainsi à l’essor du Taiji Quan pour le plaisir d’adeptes de plus en plus nombreux chaque année.

Dans le même temps, Maître Zheng voyage à l’intérieur de la Chine et forme des pratiquants et enseignants à Canton de 2009 à 2012, et enfin Nanning depuis 2015.

Notes


1. Le nombre de générations se compte de deux manières; l’une faisant référence au fondateur du clan Chen, Chen Bu (陳仆 ; ChénPū : vers 1374); l’autre faisant référence au fondateur du Taiji Quan, Chen Wangting (陈王廷 ; ChénWángTíng ; 1587-1664), lui même de la 9ème génération du Clan. On compte en principe à partir de Chen Bu pour les descendants directs de la famille, et à partir de Chen Wangting pour les héritiers officiels du style ne faisant pas partie de la famille. Lors de la première façon de compter, Maître Zheng Xudong est de la 18ème génération du clan Chen. Lors de la deuxième façon de compter, il est l’héritier de la 10ème génération du style Chen.

2. En cette période de révolution culturelle en Chine, en plus des conditions de vie très précaires, la pratique du Taiji Quan comme des arts traditionnels en général fût interdite. Cela fût préjudiciable au Taiji Quan traditionnel qui faillît disparaître, quand à la même époque, les pratiques édulcorées des fédérations remplissaient le paysage de la capitale.

Sidajingang

Sidajingang, les quatre divinités protectrices Bouddhistes

3. Les « quatre grands gardiens célestes » parfois nommés les « quatre Bouddhas » (四大金刚; sìdàjīngāng) du Taiji Quan, furent à cette époque quatre pratiquants de la 17ème génération considérés comme les plus éminents : Chen Fake (陈发科 ; Chén Fākē : 1887-1957), Chen Baoqu (陈宝璩 ; Chén Bǎoqú), Wang Yan (王雁 ; Wáng Yàn : 1900-1980), Chen Shengsan (陈省三 ; Chén Shěngsān : 1880-1942). Aujourd’hui, l’expression a été réutilisée pour quatre pratiquants de la 19ème génération. Les nouveaux Si Da Jingang sont : Chen Xiaowang (陳小旺 ; Chén Xiǎowàng : 1945) , Chen Zhenglei (陈正雷 ; Chén Zhèngléi : 1949) , Wang Xian (王西安 ; Wáng Xī’ān : 1944) , Zhu Tiancai (朱天才 ; Zhū Tiāncái : 1944). L’expression Si Da Jin Gang est empruntée à la mythologie Chinoise. Il s’agit de quatre divinités protectrices bouddhistes, une pour chacun des points cardinaux, dont il existe de nombreuses représentations peintes où sculptées à travers la chine..

4. Les principaux héritiers de la famille Chen, dont l’illustre Chen Fake, sont alors à Pékin pour faire valoir la suprématie de leur style face aux formes modernes aux ambitions fédératrices. Cet évènement est majeur et participe à l’ouverture des arts-martiaux qui se produit alors dans toute l’Asie. Mais la famille Chen, souffre dans le même temps d’une crise. Ayant perdu à Chenjiagou, dans son village d’origine, une génération de pratiquants des suites de la révolution culturelle. Chen Fake est alors rappelé chez lui pour restaurer le patrimoine familial, et c’est en particulier son fils, Chen Zhaokui (陈照奎 ; Chén Zhào Kuí : 1928-1981 – 18ème gén.) et son neveux Chen Zhaopi (陈照丕 ; Chén Zhàopī), qui auront la responsabilité de la transmission pour les principaux héritiers désignés. En particulier sont concernés ceux que l’on appelle actuellement les « quatre gardiens » du Taiji Quan. Ce contexte complexe est la source de confusions entre vielle forme et nouvelle forme, qui subsiste encore aujourd’hui.

5. Luoyang (洛阳 ; Luòyáng), situé sur le fleuve jaune est l’une des quatre capitales historiques de la Chine. Cette ville est très importante dans le développement des arts traditionnels Chinois. Située au carrefour de la plupart des grandes écoles d’arts-martiaux, elle est aussi le point de départ du bouddhisme en Chine, et est une place importante dans le développement du Yijing. Aujourd’hui encore elle possède l’une des plus importantes universités de massage Tuina.

Références


Vidéos


©Samuel Sclavis 2016. Avec le concours de Zheng Xudong

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